CentPourCentMonnaie_PourUneReformeMonétaireCruciale


Pour une réforme monétaire d’envergure.

Préliminaires :

La crise actuelle semble difficile à classer : est-ce une crise financière, une crise bancaire, une crise monétaire, une crise de la dette ? Les experts n’ont pas fini de s’entredéchirer sur ce point. Ce que l’on peut constater, en tout cas, c’est qu’elle a fini par entraîner une crise de l’économie  réelle, si l’on en juge par le cortège de défaillances économiques et de surcroit de précarité et de misère qui l’accompagnent. A tel point que de plus en plus d’économistes comparent la crise actuelle avec la grande crise de 1929.

Pour le prix ‘Nobel’ M. Allais, comme pour I. Fisher d’ailleurs, l’origine de la grande dépression commencée en septembre-octobre 1929 aux Etats Unis –et qui s’est terminée comme on le sait, par les horreurs de la deuxième guerre mondiale - représente la meilleure, ou pire, illustration que l’on puisse donner des effets nocifs d’un mécanisme incontrôlé et intrinsèquement pervers du crédit reposant sur:

1. la création et la destruction de moyens de paiement par le système du crédit,
2. le financement d’investissements à long terme avec des fonds empruntés à court terme,
3. le développement d’un endettement gigantesque,
4. une spéculation massive sur les actions et les monnaies,
5. un système financier et monétaire fondamentalement instable.

La réforme envisagée :

La réforme proposée ici, celle du système monétaire et de crédit, prolonge les idées de Fisher et de Allais, et revient à trois propositions qui changeraient de fond en comble le fonctionnement du système banco-financier. Ces trois propositions, explicités ci-dessous, se résument à une seule, la re-nationalisation de la monnaie, mais pas des banques. Avant de préciser cette réforme, partons de ce que Maurice Allais donnait comme définition de la monnaie, définition pratique, mi subjective mi objective (conforme aux esprits animaux - chers à J.M. Keynes ou à la psychologie des consommateurs et des financiers) mais très réaliste, de la monnaie:

« A mon avis, du point de vue économique, la quantité de monnaie dont dispose un opérateur est la part de son actif qu’il considère (à tort ou à raison) comme susceptible de lui permettre d’effectuer ses paiements sans délai et sans restriction. Si l’on adopte cette définition, la masse monétaire qu’il y a lieu de considérer pour l’analyse des phénomènes monétaires est la somme des actifs qui sont considérés comme susceptibles d’être utilisés pour effectuer des paiements sans délai et sans restriction » (Allais, 1970, cité par C. Gomez dans Journée d’études, dans “ Les contributions de Maurice Allais à la Science économique ”, juin 2009)

Dans cette réforme, qui assurerait une véritable nationalisation de la monnaie, puisqu’elle serait réellement émise au service de tous , les établissements bancaires et/ou financiers seraient scindés en trois entités distinctes (ce qui va donc bien au-delà de la réforme proposée connue sous le nom de ‘Glass-Steagall Act’, qui séparerait simplement banques de dépôts et banques d’affaires sans interdire la création monétaire ‘bancaire’ par les banques commerciales) :  
1. Les actuelles banques de dépôts deviendraient de simples Sociétés de Services Monétaires (S.S.M) assurant seulement, à l’exclusion de toute opération de prêt, la garde et la gestion des moyens de paiement de leurs clients, les comptes de ces derniers ne pouvant comporter aucun découvert ;
2. Les Sociétés d’Epargne et de Financement (S.E.F), ou « banques de prêts » emprunteraient et prêteraient ces fonds, la « vraie épargne », le montant global des prêts ne pouvant excéder le montant global des fonds empruntés.
3. Les Sociétés ou Banques de Marchés et d’Investissement (B.M.I ou S.M.I) seraient chargées de mettre en place des solutions de financement direct et de vendre, structurer et gérer des instruments financiers.

Une monnaie « 100 pour cent au service du bien de tous », diminuant le poids de la dette publique.

Cette triple proposition – parfois connue sous le nom de « 100% monnaie centrale » aurait pour conséquence de redonner une souveraineté monétaire pleine et entière à la nation, ou au groupe de nations, qui déciderait de l’appliquer (et permettrait, par ailleurs, d’effacer complètement la loi de janvier 1973, dite loi Pompidou-Giscard, reprise dans les traités de Maastrich et de Lisbonne)

L’effet de cette nationalisation monétaire aurait par ailleurs un impact immédiat sur les dettes publiques, puisque, sans qu’il y ait la moindre modification de la masse monétaire actuellement en circulation (que l‘on se réfère aux agrégats M1, M2, voire M3), les mécanismes en jeu dans la transition entre le système financier actuel et celui du « 100% » pourraient conduire à une neutralisation progressive de la dette publique de l'Etat de l'ordre des 2/3, avec un montant substantiel dès la première année équivalent aux obligations d'état détenues par les banques: ce qu'Irving Fisher appelait déjà en 1935 le "Dividende Social" de la réforme.

Cette neutralisation correspondrait ‘simplement’ – si l’on peut dire - à la remontée progressive des obligations publiques françaises à l’actif de la banque centrale, les intérêts éventuels restant à courir apparaissant alors comme des rentrées supplémentaires pour le Trésor Public, et non comme une dépense supplémentaire.

La masse monétaire dont parle M. Allais est en fait un 'mélange' (que Allais a précisé) des agrégats M1et M2 et M3 habituellement considérés comme monnaie ou quasi-monnaie. Ce mélange correspondrait actuellement, pour la France, (estimation fin 2011 début 2012) à un montant de 1000 à 1100 milliards d'euros.

C'est cette monnaie "allaisienne" qui correspondrait à ce qu'il faudrait "transformer" en monnaie centrale garantie et émise par l'Etat, seule monnaie qui devrait être en circulation, les banques de second rang ne devant plus pouvoir émettre de monnaie, et ne pouvant plus que prêter soit une épargne déjà constatée, soit, bien sûr, leurs propres fonds.

En partant du chiffre de 1050 milliards, le processus conduisant au "100% monnaie centrale"  (émise par la seule banque centrale "française", ou par le seul institut monétaire français) correspondrait donc à une avance de 1050 milliards (quelque soit la forme prise par cette avance) d'euros consentie par NOTRE banque d'émission à nos ex banques de second rang, devenues simples banques de dépôts, les Sociétés de Services Monétaires.

Une fois cette réforme en marche, plus aucun établissement "bancaire" ou "financier", quel que soit son statut parmi les trois entités évoquées plus haut aura l'INTERDICTION absolue de prêter de l'argent qu'il n’aura pas, la seule monnaie disponible étant donc la monnaie centrale directement émise par l’Etat. On ne pourra donc plus parler de multiplicateur ou de diviseur monétaire, puisque l’ex "multiplicateur monétaire" qui fluctuait entre 5 à 6 sur la dernière décennie sera ramené à un : d’où l’expression « 100% monnaie ».
Il ne s'agira plus de réguler l'émission de monnaie par les banques, mais de l'INTERDIRE complètement.

Le 100% monnaie réalise ainsi une séparation très claire entre une monnaie totalement "liquide",  garantie à 100% par de la monnaie Banque centrale, et l’épargne à court, moyen ou long terme. C’était le souhait de Allais lorsqu’il écrivait : « Au regard d’une expérience d’au moins deux siècles quant aux désordres de toutes sortes et à la succession sans cesse constatée de périodes d’expansion et de récession, on doit considérer que les deux facteurs majeurs qui les ont considérablement amplifiées, sinon suscitées, sont la création de monnaie et de pouvoir d’achat ex nihilo par le mécanisme du crédit et le financement d’investissements à long terme par des fonds empruntés à court terme. »

D’un point de vue pratique, il suffira donc que l’on recense la masse monétaire détenue par les établissements bancaires actuels, (qui se décomposeront en SSM et SEF) et que le prêt, ou l’avance, consenti à ces banques par la banque centrale corresponde à ce montant (de l’ordre de 1050 milliards).

En supposant que ce prêt soit consenti sur 10 ans, par tranche annuelle, cela permettra à la banque de France (ou à un autre organisme public missionné pour cela) d’utiliser ce remboursement périodique pour remettre en circulation le même montant monétaire (ici 105 milliards d’euros) pour racheter un montant équivalent de la dette publique, en affectant cette somme par priorité à la dette publique détenue par des non résidents.

Par ailleurs, une nouvelle émission monétaire serait décidée annuellement ou bi-annuellement, sous contrôle du parlement, et devrait correspondre à une augmentation aussi régulière que possible, correspondant à la croissance espérée, affecté d’un taux d’inflation « de fluidité » de l’ordre de 2 à 2.5 %, ce qui pourrait correspondre, en période normale, à un  taux d’émission de 4 à 5% (soit 45 à 50 milliards d’euros).  On peut imaginer que cette émission monétaire irriguerait l’économie réelle par l’intermédiaire du Trésor Public, voire de la Banque Postale, mais le processus lui-même reste à préciser dans ses modalités d’application.

Commentaires

  1. @Bruno Lemaire
    Vous dites "aucun établissement "bancaire" ou "financier" [...]aura l'INTERDICTION absolue de prêter de l'argent qu'il n’aura pas".
    Un prêt bancaire n'est pas un prêt, au sens commun du terme. Un prêt bancaire consiste en un échange entre une banque et un emprunteur. En effet, la banque est propriétaire de la reconnaissance de dette sur un emprunteur. Et l'emprunteur est propriétaire de la monnaie reçue.

    Une banque de second rang comme la BNP ne crée évidement jamais de monnaie centrale. Le salarié de la BNP reçoit 1000 euros sur son compte bancaire BNP. Chacun de ces 1000 euros est une promesse de la BNP de verser un euro de monnaie centrale. Une telle promesse de la BNP est une monnaie émise par la BNP. On peut l'appeler un euro-BNP. Un euro-BNP a tous les attributs habituels d'une monnaie. Un euro-BNP est bien une véritable monnaie. On peut échanger, payer, avec un euro-BNP. Certains l’appellent une "monnaie secondaire", pour une création monétaire faite par une banque de second rang.

    Il s'ensuit que jamais la BNP ne prête de la monnaie qu'elle ne possèderait pas. La première raison est qu'un prêt bancaire n'est pas un prêt. D'autre part, la BNP "prête", ou plutôt crée et verse, des "euro-BNP" et non pas des euro-BCE.

    Cette question sémantique n'est pas un détail dans l'analyse d'une monnaie.

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  2. Cher gidmoz, est-ce de la mauvaise foi chez vous, ou une simple difficulté à comprendre ce que j'essaye de dire: auquel cas je vais essayer d'être encore plus clair.

    Il est évident, ou il devrait être évident, que les banques de second rang ne créent pas de monnaie centrale, par définition, elles créent de la monnaie bancaire. C'est cela qu'il faut AUSSI interdire.

    Cela signifie simplement qu'elles ne pourront pas prêter de l'argent qu'elles n'ont pas. Pour faciliter votre compréhension, il sera donc interdit à la BNP de créer des euros-BNP, à la SG de créer des euros-SG.

    Il n'est jamais bon, je pense, et surtout dans un débat qui se veut technique, de faire dire à son interlocuteur des choses qu'il n'a pas dites, ou écrites.

    Les euros-BNP sont de la monnaie, comme vous avez jugé bon de le rappeler, ce que tout étudiant de première année en économie devrait savoir (en dehors peut être de Paul Jorion, qui a du sauter ce cours) C'est cette création monétaire secondaire qu'il faut aussi interdire.


    Très cordialement

    B.L.

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  3. @Bruno Lemaire
    Merci de votre précision.

    Un individu a le droit de promettre à qq'un de lui verser un euro. C'est du droit commun. Ou du droit commercial ordinaire. Tout le monde, vous et mois, avons le droit de faire une telle promesse.

    Si le promettant ne peut pas honorer sa promesse, un tribunal le sanctionnera. C'est bien ordinaire, quotidien et banal.

    Ainsi, tout le monde aurait le droit de faire une telle promesse, sauf une banque. Pourquoi donc interdire à une banque ce qui est permit à tous les autres agents économiques?

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