La monnaie, c’est pourtant simple
La monnaie, c’est pourtant simple…
Bruno Lemaire, club Idées
Nation
La création monétaire, une simple question d’écriture comptable.
Q. Qui crée la monnaie, la banque centrale, ou les banques commerciales ?
Les deux,
avec un principe de base on ne peut plus simple. Si nous supposons que l’on
totalise le bilan des banques dans un seul bilan, si ce bilan augmente,
il y a création monétaire, s’il diminue, alors il y a destruction.
Maintenant, si nous supposons qu’il n’y a qu’un seul bilan qui bouge
‘quantitativement’, pour simplifier, si ce bilan est celui d’une banque
commerciale, il s’agit d’argent bancaire, d’argent BNP ou Crédit Agricole, si
ce bilan est celui de la banque centrale, il s’agit de monnaie centrale
(billets ou réserves centrales).
Q. Mais à quoi correspond cette création ?
Soit à
des achats, soit à un prêt, mais, dans les deux cas, cela se concrétise par une
écriture comptable, à la fois au niveau du passif – une dette y est indiquée,
la banque, centrale ou commerciale, va devoir quelque chose, le montant de la
création monétaire – et au niveau de l’actif – une ‘contrepartie’
contractuelle, existante ou future, y sera inscrite, actif financier (action ou
obligation ou ‘traite’ quelconque) ou actif réel (hypothèque sur un bien réel
ou autre caution).
Cette
création monétaire sera – en principe - affectée d’un taux d’intérêt, le
bénéficiaire de cette création devra rembourser le montant de cette création à
une date dépendant du contrat passé, et devra aussi s’acquitter des intérêts
éventuels correspondant.
La
création monétaire est donc temporaire, mais comme il y a toujours davantage de
création monétaire que de remboursement, la masse monétaire concernée ne fait
que croitre, à de rares exceptions près.
Q. Et qui crée le plus de monnaie, les banques privées ou la banque centrale ?
Ce sont
les banques privées qui créent le plus de monnaie, et c’est sans doute elles
qui ont le plus d’influence, ce que l’on peut voir de plusieurs façons.
Q. Lesquelles
Tout
d’abord, l’argent en circulation ne représente qu’environ 9% de l’agrégat
monétaire appelé « M3 ». Pour la France, en avril 2014, 180 milliards
de billets en circulation contre 2021 milliards pour « M3 ».
Ou, si
l’on ramène les billets circulant à l’agrégat « M1 », la monnaie au
sens strict, c’est-à-dire l’argent vraiment ‘liquide’, à savoir les billets
plus les dépôts à vue (« les « comptes chèque »), d’un montant proche
de 780 milliards, on a 180 milliards à comparer à 780 milliards. Le ratio
780/180 est parfois appelé « multiplicateur monétaire », ou l’inverse,
180/780 « diviseur monétaire »
Une autre
façon de mesurer l’impact des banques commerciales relativement à la banque
centrale, c’est de comparer leurs bilans.
Le bilan
d’une banque comme BNP est trois fois supérieur à celui de la banque de France,
et si l’on additionne l’ensemble des bilans des banques commerciales opérant en
France, on arrive à un montant plus de 20 fois supérieur. La seule « épargne
liquide » (dépôts à vue plus dépôts à moins de trois mois) de nos
concitoyens vaut déjà plus de deux fois le bilan de notre banque de France…
Q. Je croyais que les bilans bancaires étaient très surveillés, et qu’il fallait que les banques conservent de l’argent auprès de la banque centrale.
C’est
exact. Chaque banque doit avoir un certain pourcentage de leur passif
« bien au chaud » à la banque centrale, mais c’est un pourcentage
négligeable.
Avant 2012,
ce pourcentage, déjà très faible, était de 2%, depuis il est passé à 1%. Ainsi,
en avril 2014, l’ensemble des banques, ou « IFM » (Institutions
financières Monétaires) a en dépôts obligatoires auprès de la banque centrale
19,8 milliards d’euros, à comparer aux 614 milliards de dépôts à vue, ou aux
1240 milliards « d’épargne liquide » qui figurent dans leurs
propres bilans.
Certes,
il y a aussi une clause sur les capitaux propres des banques puisque, à terme,
les accords de Bâle exigeront que les capitaux propres représentent 8% du total
des « engagements risqués ».
Q. C’est donc une garantie supplémentaire de solvabilité des banques, non ?
Si l’on
veut. Mais comme le risque de certains engagements, par exemple des prêts à des
États, ont pu naguère être considérés comme sans risque, et des prêts à des
collectivités comme ‘presque’ sans risque, ces règles ‘prudentielles’ n’apparaissent
pas des plus efficaces.
Dans la
pratique, on considère cependant que les fonds propres d’une banque devraient
représenter entre 3 et 4% de ses engagements totaux, ce qui n’est pas le cas
pour certaines grandes banques françaises.
Q. Et lorsque la BCE annonce qu’elle va prêter 400 milliards aux banques européennes, c’est bien de la création monétaire. Est-elle sans risques ?
C’est
effectivement de la création monétaire ‘centrale’ qui se concrétisera par une
augmentation du bilan de la Banque Centrale correspondant à l’augmentation des
comptes ‘centraux’ des banques, ou IFM, concernées.
Actuellement
– chiffres d’avril 2014 - les dépôts ‘français’ des IFM à la Banque de France sont
de l’ordre de 84 milliards, dont 19.8 milliards de réserves obligatoires, il
n’est pas sûr que ces possibilités de prêts soient d’une grand efficacité.
Q. Pourquoi ?
Si 64
milliards dorment déjà dans les comptes de la Banque de France, les 70
milliards supplémentaires proposés (70 milliards, sur 400 milliards,
correspondant au poids de la France, 18%, dans la comptabilité de l’Eurozone)
ne seront pas nécessairement très efficaces, en dehors du fait qu’ils peuvent permettre
de regonfler à peu de frais les éventuelles insuffisances en capitaux propres
de nos banques.
Comme
plusieurs experts du Front National l’ont déjà déclaré, quitte à créer de
l’argent, il aurait mieux valu que la banque centrale le prête directement à
des entreprises appartenant à des secteurs stratégiques, plutôt que de se
tourner vers des banques commerciales, dont on sait déjà, par leur conduite
passée, qu’elles se contenteront de le placer dans des marchés financiers au
lieu de l’orienter vers l’économie réelle.
Il est
vrai que les traités européens l’interdisent, c’est bien pour cela qu’il faut
les changer.
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