Le tout marketing conduit à une fausse croissance et à des vraies dettes
La
puissance du marketing a conduit à l’abandon des réalités économiques.
Billet d’humeur
de Bruno Lemaire, Secrétaire Général du Club Idées Nation.
L’agence
Moody vient de dégrader une fois de plus la notation ’économique’ de la France,
sous le prétexte d’une croissance atone et de dettes toujours plus importantes.
Cette
dégradation est sans doute méritée, mais en partie pour de fausses raisons. Ne
parlons même pas ici de la question de l’immigration sauvage qui risque de
conduire à sa perte la France, et à sa suite l’ensemble de l’Europe
occidentale. Non, il y a une raison bien plus terre à terre, tellement évidente,
voire aveuglante, qu’on n’arrive même plus à la percevoir.
Cette raison est grandement liée à la fausse croissance, à savoir à tout ce
qu’il faut ajouter aux produits de base pour réussir à les faire vendre, quitte
effectivement à endetter plus encore
ménages, entreprises et État.
Bien sûr les critiques de ce qui est appelé
PIB ne sont pas nouvelles, mais un simple exemple va permettre d’expliciter qu’une
fausse croissance n’est en aucun cas le Saint Graal à rechercher, d’autant plus
que cette pseudo croissance, mesurée par l’INSEE, quand elle existe, a de plus
en plus de mal à cacher qu’elle se fait au détriment des plus petits, des
exclus, mais aussi à celui des « producteurs de base », ouvriers,
paysans, petits commerçants.
Prenons ainsi le cas de chaussures de sport
de base. Leur coût de production en Asie est de 5 à 6 euros, fabriquées en France,
on arriverait à 25 euros. Mais avec la signature Nike, Asics ou Adidas, ces
mêmes chaussures seront vendues une centaine d’euros.
D’un point de vue ‘macroéconomique’, le PIB
correspondant, au lieu d’être évalué à 25 euros, sera valorisé à 100 euros :
400% de croissance, qui dit mieux.
Miraculeux, non ?
Bien entendu, dans cette fausse croissance,
véritable jeu de dupes, il y a quelques
gagnants, et beaucoup de perdants. Les gagnants sont les services
marketing, et les actionnaires de Nike, Asics ou Adidas. Les perdants, à leur insu de leur plein gré,
vont être les consommateurs, qui au lieu d’acheter des chaussures à 25 euros, vont les payer à
100 euros. Les médias et les annonceurs sont là pour leur dire que sinon, ils
seront stigmatisés à tout jamais comme ringards, comme has been, comme ‘pauvres’.
Une deuxième catégorie de gagnants, à court
terme, ce sont évidemment les services financiers,
qui vont prêter de l’argent aux consommateurs pour qu’ils puissent acheter leur
rêve – plus ou moins forcé – pour payer, non pas les véritables producteurs –
ce qui serait normal et juste – mais les « services » associés. A
long terme, non seulement nous serons tous morts, comme le rappelait Keynes,
mais l’endettement aura été transmis à
des générations futures, lesquelles, un jour ou l’autre, finiront par se
révolter contre ces pseudo-services et cette pseudo croissance.
J’ai pris ici un exemple ultime, bien sûr, et
les frais de marketing et d’image, auxquels il faut ajouter des frais financiers,
ne représentent pas toujours 3 fois le coût de production – voire 20 fois pour
des produits « de marque » fabriqués en Asie. Mais la crise de l’agriculture
– alors que l’industrie agro-alimentaire se porte plutôt bien en France – ou la
crise de nombre de secteurs industriels pourraient fournir beaucoup d’autres
illustrations du mal moderne : les faux services tuent les services de
base, à savoir la production réelle.
La dette publique abyssale est montrée du
doigt, à juste titre sans doute. Mais si le pouvoir d’achat des fonctionnaires,
et plus généralement de l’ensemble des travailleurs, ne servait qu’à se
procurer des produits ou des services réellement utiles, sans recourir
systématiquement à l’endettement, il ne serait pas nécessaire de consacrer tant
de ressources monétaires, financées par l’impôt ou par de nouvelles dettes,
pour assurer à nos fonctionnaires une rémunération décente.
Dernier point. Au lieu de réclamer à corps et
à cri une « croissance » moins énergivore, et souvent utopique,
pourquoi ne pas faire la chasse au vrai gaspillage, qui consiste à faire croire
que le packaging et la « marque » sont LES vraies valeurs, et que l’objet
de base n’est qu’un support sans beaucoup d’intérêt.
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