Pour l'instauration d'un Revenu Minimum de Dignité à l'échelle nationale



Bruno Lemaire, club Idées Nation.
1)         Plutôt que de reprendre la synthèse mise en 2011 sur mon blog personnel, je vais ici préciser les points qui me paraissent les plus importants en vue d’une éventuelle application au cours du prochain quinquennat ou d’une prochaine législature.

2)         Par ailleurs, pour parler de ce concept, j’utiliserais, pour simplifier, l’acronyme R.M.D.
(Revenu Minimum de Dignité) quelle que soit la dénomination qui en sera finalement retenue lors de l’instauration de cette « allocation universelle nationale ».

3)         Enfin, je ne chercherais nullement à déterminer ici la véritable paternité de ce concept, qui remonte sans doute encore plus loin que ce qu’en ont dit des "créditistes" ou des "distributistes" du siècle passé, comme Douglas, Dubouin ou Louis Even. Qu’il suffise ici de dire que depuis le début du XXI ème siècle, plusieurs hommes ou femmes politiques – l’un des derniers en date étant D. de Villepin avec son Revenu Citoyen lors de sa pré-campagne présidentielle avortée de 2011 - ont émis des idées ou des propositions allant dans ce sens, avec cependant de très nombreuses variantes.

            Le principe du R.M.D. est simple, et part du fait – peu discutable - que toute collectivité est constituée d'individus, hommes ou  femmes, aux talents et aux compétences diverses, mais qui partagent tous le même statut, celui  d'appartenance à une même communauté: d'où le principe de non-exclusion. Tout membre de cette  collectivité doit être reconnu en tant que tel, et avoir donc 'droit' à cette reconnaissance.

Ce droit,  dans une économie essentiellement marchande dans laquelle le travail est de plus en plus spécialisé,  et où les individus sont de plus en plus interdépendants, ne peut se concrétiser que par un revenu  'monétaire', nous y reviendrons.

Nous examinerons aussi si ce 'droit' doit être associé à des devoirs.
Il s’agit de relier ce RMD – ou RAC pour ceux qui préfèrent insister sur l'appartenance  communautaire – à la richesse collective de la communauté, ou héritage collectif toujours en  devenir. Le niveau du RMD ne peut donc être fixe, même si la quote-part, la proportion du revenu global de la communauté considérée, l'est : ceci me paraît  être un point essentiel, que la plupart, sinon la totalité, des autres ersatz d’allocation universelle ne mentionnent aucunement. De fait, une fois cette quote-part fixée, si la richesse collective augmente, le RMD augmentera, si la richesse collective diminue, il en sera de même pour le RMD.

Ainsi, dans le cadre de  la distribution concrète des richesses collectives (dont la production a eu lieu dans un contexte économique donné, en grande partie libéral et ‘marchand’) notre proposition consiste à consacrer toujours la  même part – indépendamment de tout 'mérite marchand' – aux revenus correspondant à cette  appartenance communautaire.

Le fait que le niveau du RMD soit lié automatiquement à l’évolution de la richesse collective, en plus comme en moins, est fondamental comme je l’ai déjà écrit. De fait, cette automaticité devrait contribuer de façon importante au renforcement du sentiment d'appartenance à la collectivité, et sera donc un pilier de cette solidarité collective. Il n'y a pas de  'passagers clandestins', tout le monde est dans le même bateau.

Si, pour une raison ou une autre, la  quantité de travail diminue – à productivité constante – le revenu diminuera pour tous, au moins  pour la part RMD. Pour mes calculs, je suis parti d’un PIB 2013 de 2060 milliards d’euros, et d’une population de 65,7 millions d’habitants.
Je propose ainsi que le quart de la richesse nationale de la France, ou plus exactement le ¼ du PIB moyen,  soit environ 650 € par mois – en euros « 2013 » -  soit affecté à chaque adulte de notre communauté. Chaque mois, 650  euros, nets d'impôt, seront versés sur le compte de 65 millions de Français ! Ce montant est légèrement supérieur à un demi SMIC.

Le Revenu Minimum de Dignité proposé ici est un Revenu "Universel" que  toucherait chacun de nos concitoyens, et qui se substituerait à la plupart des revenus sociaux, en  particulier le RMI et le RSA.

Même si le choix du pourcentage (le ¼ du PIB moyen pour chaque adulte) peut apparaitre arbitraire  – cela peut faire partie d'une discussion collective, avant sa mise en application – ce chiffre a été retenu pour trois raisons principales:
a)         le niveau, une fois globalisé, est 'presque' suffisant pour une famille 'type', deux parents et deux enfants (de 7 et 11  ans), même si aucun des parents ne travaille, puisque le RMD familial serait ainsi de 1950 euros,
b)         ce niveau n'est pas suffisamment dissuasif pour qu'une trop grande proportion de personnes ne  décide de ne plus travailler (auquel cas, bien sûr, le niveau collectif, et donc le niveau individuel,  diminuerait d'autant).
c)         un niveau trop bas – même si son financement en aurait été facilité – n'aurait pas permis que la substitution du RMD à la plupart des allocations ou prestations sociales soit intéressante pour les récipiendaires. De plus, son côté 'solidaire' ou 'fraternel' aurait été insuffisant. Il s'agit de  transformer le sentiment d'assistance que peuvent ressentir certains 'bénéficiaires' des allocations  'classiques' en sentiment d'appartenance et de reconnaissance communautaire.


L'intérêt d'une telle mesure est évident pour tous ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté.  Les 650 euros mensuels que je propose (deux adultes, qui toucheraient ainsi mensuellement 1300 euros, pourraient  "s'offrir" la maison à 15 euros journaliers envisagés en 2009 par C. Boutin) ne sont certes pas la panacée.
Mais ce  chiffre paraît à la fois possible (il correspond, rappelons-le, au quart du PIB moyen Français de 2013) et  suffisamment utile pour sortir la majorité des exclus de leur misère.
Nous ne vivons plus dans un monde clos. Mais, pour le moment, la notion de citoyenneté reste encore vivace, les débats récurrents sur le concept de nationalité française, de droit du sol et de droit  du sang sont là pour l’illustrer, au moins au niveau de notre hexagone national.
Le Revenu  Minimum de Dignité – ou Revenu d'Appartenance Communautaire Nationale - que je propose pourrait (devrait?)  s’appliquer à tout être humain, mais il me semble qu’il faudrait initialement considérer trois  catégories différentes de personnes.
Il ne s’agit pas de hiérarchiser ces catégories, mais de  déterminer concrètement les façons d’instaurer efficacement ce Revenu Minimum de Dignité.
Je propose donc de différencier les nationaux français, les nationaux européens, et tous les autres,  mais en utilisant la même règle d’attribution.

Chaque individu, quel que soit son âge, son sexe, son ethnie, sa religion, pourrait disposer – à très  court terme – de l’équivalent mensuel, net d’impôts, du ¼ du PIB unitaire de son propre pays. Cela correspondrait à 650€ net par mois pour un Français, un peu plus pour un allemand, beaucoup moins, hélas, pour un ougandais.

Le principe de solidarité est le même, mais dépend des  possibilités de la communauté à laquelle on appartient.

Pour un européen résidant en France, on pourrait suggérer qu’il y ait une participation des Etats plus riches pour que le revenu minimum de dignité distribué par la collectivité française soit augmenté d’une  participation de l’état européen concerné, à charge de réciprocité, évidemment.

La France ne peut, à elle seule, assurer un Revenu Minimum de Dignité à l’ensemble du monde.
En  revanche, elle peut le proposer au monde entier, et a les moyens de le promulguer pour ses 65  millions de ressortissants. Tout ceci demanderait sûrement à être aménagé, amendé, modifié, mais  voilà la première grande piste d’action, très concrète, et qui ne demande "que" de la bonne volonté  pour être rapidement appliqué. 


De nombreuses allocations aux personnes, et plus encore de subventions aux associations, aux  organismes, aux collectivités, aux entreprises, ont pour objectif de venir en aide, directe ou  indirecte, à une multitude de cas particuliers. L’énergie consommée à cet effet est considérable,  sans que l’efficacité de l’ensemble de ces mesures soit réellement démontrée.  L’Etat s’occupe déjà, directement ou indirectement, de prélever plus de 50% de la richesse nationale, tout en redistribuant une bonne part selon des critères fluctuants, souvent opaques et parfois, hélas, soumis à des considérations électoralistes.

L’instauration du RMD ne concerne en fait que moins de la moitié de ces « prélèvements ». Il s’agit, en effet, de demander à la puissance publique de redistribuer efficacement de l’ordre de 22 % du revenu national, ou  plus exactement du PIB. Si l'ensemble de la population est concerné, cela signifie que pour  financer le RMD, et si on utilise, pour simplifier, un impôt proportionnel (encore appelé « flat tax ») tout autre revenu devra être imposé à hauteur de 30 % (ce serait 33% si les  enfants de moins de 18 ans recevaient le même RMD que les adultes, 30% si un enfant reçoit en  moyenne, en fonction de son âge, un demi RMD adulte, d’où aussi le fait que le prélèvement correspond à 22 % du PIB, pas 25 %). Bien entendu, d’autres façons de financer le RMD pourront être envisagées, comme nous le reverrons.

Ce RMD sera distribué ‘universellement’ – au moins à l’intérieur d’une communauté donnée, ici dans le domaine de la communauté française. Il ne sera donc plus nécessaire de mobiliser une armée d’experts et de conseillers fiscaux pour déterminer  si telle personne, compte tenu de N paramètres, a droit à telle ou telle allocation. Chacun y aura  droit de sa naissance à sa mort, en tant qu’être humain appartenant à une communauté nationale bien déterminée.
Le RMD 'enfant' devrait être différent du RMD adulte.
Ainsi le RMD 'enfant' serait en moyenne la moitié de celui d'un adulte : à 5 ans, ce serait les  5/18 du RMD adulte, à 17 ans, les 17/18 du RMD adulte, la majorité étant à 18 ans en France. Pour  un couple qui aurait deux enfants de 7 et 11 ans, le RMD familial, aux données 2013, serait proche de 1950 euros, nets  d'impôts. Pour une mère seule, avec deux enfants de 8 et 10 ans, le RMD total serait de l’ordre de 1300 euros  (en partant toujours d’un PIB national égal à 2060 milliards d’euros, et une population concernée de  65,7 millions).
Les moins de 18 ans représentant 20% de la population, cela signifie que le  financement nécessaire serait de 30% d'impôts (soit un besoin de financement mensuel de 31 milliards d’euros, financés pour plus de moitié par la disparition de nombreuses prestations sociales, dont le RMI, le RSA, les allocations  familiales et les allocations au logement).
Certains pourront paraître désavantagés, en particulier ceux qui cumulent déjà diverses allocations  sociales. L’allocataire du RSA, qui touchait mensuellement 493 euros fin 2013, s'il touche par ailleurs 160 euros  d'autres allocations, pourrait sembler y perdre. Mais un couple d’allocataires, sans enfant, ne touche mensuellement que 725 euros, alors qu’avec le RMD il toucherait 1300 euros – et ses éventuels autres allocations ne couvriraient sûrement pas la différence. De  plus, le ‘RSAiste’ ou l’allocataire ASSEDIC de longue durée ne sera plus dissuadé de rechercher un  travail qui lui plairait, mais qui lui ferait perdre une partie de ses allocations. Ce seul fait risque de changer totalement  la donne du chômage, et rendra caduque la loi sur le RSA.

D'autres gagnants seraient les personnes âgées. Seules, elles y perdraient quelques euros par rapport au minimum vieillesse, mais en couple, elles bénéficieraient de plus de cent euros supplémentaires par mois.
L’instauration de ce RMD peut être totalement accomplie en trois ans, donc largement au cours d’une même législature. La première année, seraient  concernés en priorité tous les individus sans travail qui, s’ils sont seuls, perçoivent moins que le RMD, ou, s’ils sont en couple, perçoivent moins de 2 fois le RMD (même règle pour les familles, en tenant compte du nombre de personnes à charge). Eradiquer la misère des sans-emplois en un an,  ceci est possible.  En moins de trois ans, en étendant le RMD à l’ensemble de la population, la misère la plus sordide  devrait être complètement éradiquée de notre pays.
Certains peuvent trouver choquant qu'un Rockfeller ou une Bettencourt puissent prétendre au même RMD qu'un SDF, un ‘trader’ qu’un ‘travailleur pauvre’, un professeur d’université qu’un SDF.


Il nous semble pourtant essentiel que ce RMD soit attribué à tous, sans aucune autre considération, un peu comme pour la blouse grise "standard" de nos écoliers de 1900.

Sans cette universalité, ce Revenu, quel que soit le nom que l’on retiendra pour lui, qu'on le qualifie de Dignité ou d'Appartenance Communautaire, ne pourrait apparaître que comme une assistance déguisée, ce qu'il n'est pas et ne peut être. Lorsque  l'on accueille chez soi son père ou sa mère vieillissant, ou son frère ou son cousin, ce n'est pas de l'assistance, c'est du simple respect de la personne humaine, c'est le simple partage d'un héritage et  d'un patrimoine communs. Il doit en être de même pour tout 'étranger' à notre famille proche, dès lors qu’il est membre de notre communauté nationale, en attendant une extension éventuelle au-delà de nos frontières.
Ne nous trompons pas de combat. Le droit à la dignité ne signifie pas nécessairement que le  travail de chacun ait la même utilité économique. Un rabbin, un iman, un prêtre, un travailleur  social, un bénévole des Restos du cœur, une 'mamy' au coin du feu radotant parfois, mais entourée  de ses petits-enfants, ont une énorme utilité sociale, leur utilité économique est plus discutable,  surtout à l'aune d'un mérite 'marchand'. On peut aussi  discuter sur le rôle "redistributif" du travail – même si c’est le travail, in fine, qui  crée la richesse à redistribuer.

Mais ce type de débat, certes important, ne doit pas faire oublier l'essentiel: tout individu, quel que soit son rôle purement "économique" a un droit inaliénable à sa dignité: sa seule existence fait qu'il appartient de plein droit à notre communauté – en dehors du cas exceptionnel où il rejetterait de  pleine conscience cette appartenance.  L'instauration universelle du RMD peut contribuer à cette reconnaissance de la dignité intrinsèque  de chaque individu. Nul ne se sentira "dévalorisé", ou "humilié", du fait de percevoir ce RMD, puisque chacun y aura droit.

Au-delà de ce  "minimum", à chacun selon sa contribution économique, quel que soit le mode de production envisagé, plus ou moins libéral, c'est un tout autre débat.

Avant d’aborder un point essentiel, celui des pistes envisagées pour le financement de ce RMD, je voudrais aborder un point, qui peut poser problème : le RMD doit-il exiger une contre-partie d’activité?
Il nous semble que le RMD doit s’appliquer sans condition, ni contrainte, ni contre-partie. Du seul fait de son existence, l’homme a sa dignité, et donc un revenu minimum pour cela. C’est du moins notre conviction profonde, même si, à la lecture de nombreux commentaires, publics ou privés, cette position reste ouverte à d’éventuels contre-arguments ou à des aménagements de cette position.

Des travaux d’intérêt public pourraient ainsi être imaginés en contre-partie de ce RMD, sous certaines conditions ou précisions. La plus importante de celles-ci reste qu'il est fondamental de ne pas remettre en cause le  sentiment d'appartenance communautaire, sentiment qui doit être partagé par chaque membre.
De fait, cette allocation étant 'universelle' – au moins dans le cadre de chaque communauté concernée  (France, Europe, ou tout autre pays ou région) – elle doit concerner tout le monde, 'bourgeois'  comme 'prolétaire', 'nanti' comme 'exclu'.
Si l'on demande à chacun, comme contre-partie, un travail d'intérêt collectif, par exemple orienté vers le développement 'soutenable' ou l'aide aux personnes, ou tout  autre type d'activité, personne ne doit en être dispensé.

Car si l'on fait intervenir des critères de  dispense, on retombe dans les mêmes difficultés que celles qui prévalent dans l'allocation de telle ou telle prestation sociale, alors qu’il est indispensable de ne pas considérer le RMD comme une allocation sociale de plus. Toute éventuelle contre-partie ne peut donc être qu'une contre-partie volontaire. On peut, et on doit, proposer de tels chantiers ou de telles activités, mais il ne faudrait pas les imposer.
C'est évidemment à la collectivité de financer ce RMD, soit par l'impôt, soit par tout autre moyen (mais ce financement reviendra, quel qu’en soit son habillage, à une ponction sur la richesse nationale, soit déjà produite, soit à venir).
Le RMD étant net d’impôt, tout autre revenu ‘gagné’, c'est-à-dire correspondant à une activité marchande ou jugée telle, devra être taxé pour le financer.
Pour des raisons de simplicité, on peut  juger préférable de choisir la méthode de la ‘flat taxe’, c'est-à-dire d’un impôt strictement  proportionnel.  Quelques chiffres sont peut être nécessaires ici.
Si le RMD n’avait eu qu’un seul niveau, celui du RMD adulte (égal donc à 25% du PIB moyen), il aurait fallu le  financer par un prélèvement de 33% sur chacun de ces ‘revenus gagnés’. Pour financer RMD  adultes et RMD enfants, nous serons plus proches d’un besoin global de financement de 22% sur le PIB (soit 30% sur les revenus gagnés, en défalquant le RMD). Dit autrement, la part retirée du gâteau national, compte tenu  de la démographie actuelle, serait de 22%. Ces 22% laissent, évidemment 78% aux 'revenus gagnés'.

Ce sont ces 78% qui devront financer  cette part (qui représente actuellement, si l'on part d'un PIB de 2060 milliards d'euros, une assiette d'imposition voisine de 1607 milliards). En pourcentage (immuable pour une démographie constante) cela  correspondrait à un taux d’imposition de 30%. En montant mensuel, fonction du PIB actuel (2013),  on arriverait ainsi à un besoin de financement brut mensuel de l’ordre de 37 milliards d’euros.  Sur ces 37 milliards d’euros mensuels, en enlevant toutes les prestations sociales non liées à la branche vieillesse de l’assurance maladie, on arriverait à un besoin de financement net de l’ordre  de 16,5 milliards d’euros mensuels: voilà l'effort de solidarité 'net' demandé.
Ce n’est pas rien,  certes, mais il ne faut pas non plus oublier le différentiel de ressources que nous pouvons trouver  dans la sortie de crise relancée par le fait que le RMD participera grandement à la relance de la  consommation, et donc à celle de la production, point sur lequel je vais revenir ci-dessous.
Ce sont donc ces 200 milliards annuels (soit 10 % du PIB) qu'il faudrait faire financer par la  collectivité, c'est à dire par l'État, soit totalement par l’impôt, soit partiellement aussi par création monétaire, et donc par anticipation sur la consommation  future, et donc sur la production future.
Je rappelle que, après la période transitoire, et si on ne retient que la solution ‘impôts’, l'ensemble des revenus (‘gagnés’) devrait être imposé à 30% pour financer ce RMD, net d'impôts lui-même.
Une question que l'on peut se poser, devant le côté apparemment 'magique' (un commentateur parle  du saint graal, l'autre d'une panacée) du RMD est la suivante: Si l'on voit assez bien qui seront les bénéficiaires de ce RMD (650 euros mensuels pour chaque  adulte, qu'il soit 'riche' ou 'pauvre', en activité ou non), on peut se demander quels en seront les  'victimes', en d'autres termes: QUI VA PAYER. 


En fait, d'après nos premières hypothèses de travail, le surcoût annuel de 200 milliards d'euros  devrait correspondre pour partie au fait que le PIB passerait d'une faible croissance de 1% à une croissance positive de 5%, soit 4 points de PIB.
Ces 80 milliards de croissance (liés essentiellement à la relance de la consommation) seraient donc à défalquer  des 200 milliards annoncés plus haut. D’où un besoin net de 120 milliards, soit 10 milliards d’euros mensuels.  On est bien loin des 700 à 800 milliards du premier plan Paulson, des 800 milliards du plan Obama 2009, ou même du crédit de 340 milliards accordé par l’état français aux banques en cette même période.

Rappelons que le RMD peut être vu  comme un crédit accordé directement par l’État à l’ensemble des consommateurs, et que ce crédit  sera remboursé par les revenus gagnés, c'est-à dire par les profits des entreprises et les revenus des  travailleurs.
Cinq pistes principales sont à explorer, même si elles sont difficiles à  chiffrer.

a)         Tout d'abord, les patrons peu scrupuleux, ou patrons 'voyous' - le fameux 'homme aux écus'  dépeint par Marx - qui auraient beaucoup plus de mal à exploiter une 'force de travail' dont le RMD  garantirait un pouvoir de négociation supérieur.
b)         Ensuite, les 'travailleurs au noir' (parfois liés aux pratiques des patrons voyous) qui n'auraient  plus d'excuses pour arrondir leurs fins de mois, sous prétexte qu'une activité officielle leur ferait  perdre une partie de leurs avantages sociaux, comme le RMI ou e RSA. Le travail au noir devra donc être  pourchassé avec la dernière énergie, et des sanctions sévères devront frapper entrepreneurs et  travailleurs concernés.
c)         Les nombreux fonctionnaires ’contrôleurs’, dont la mission principale est de traiter et de contrôler les multiples prestations sociales, pourront se voir attribuer des missions beaucoup plus en rapport avec  leurs véritables compétences, et beaucoup plus productives et profitables pour la collectivité.
d)         De façon plus positive encore, le travail mal payé et/ou sans valeur ajouté n'étant plus indispensable pour obtenir un minimum vital, on peut penser que tout travail sera un véritable  travail, productif, et non pas de l'assistance déguisée. Là encore, il est difficile d'estimer les  milliards que ceci fera gagner à la collectivité, mais on peut penser que ce n'est pas négligeable.

e)         Cinquième piste de financement possible – sur laquelle nous reviendrons plus loin - la plus innovante peut être, consisterait à financer tout ou partie de ces 120 milliards par une monnaie 'alternative', émise peut être directement par les  collectivités locales (celles qui étaient chargées jusqu’à présent de distribuer le RMI), pour financer par exemple des chantiers « d'économie sociétale »

Je terminerai enfin cette note en évoquant les oppositions qui ne manqueront pas de se faire voir à cette idée  d'allocation universelle, oppositions venant de ‘gauche’ comme de ‘droite’.
Ces oppositions existeront sûrement. Pour essayer d’en désamorcer le plus grand nombre, et pour  tenter d’obtenir l’adhésion du plus grand nombre, en particulier chez les politiques de tout bord, les  syndicalistes, les chefs d’entreprise et diverses associations humanitaires, nous allons essayer d’être  aussi précis et simple – ce qui ne veut pas dire simpliste – que possible, tout en restant cohérent, espérons-le, avec les idées de base énoncées plus haut.

Le financement du Revenu Minimum de Dignité correspond avons-nous dit à une division en deux  parties du PIB.  La première partie (22% pour fixer les idées, pour financer le RMD adulte, 25% du PIB moyen, et  le RMD enfant, 12,5% du PIB moyen), ira indistinctement à chacun.
Mais il est essentiel que le  RMD ne corresponde pas à un montant fixe - évalué à 640 euros en 2013 - mais bien à un  pourcentage du PIB, c'est-à-dire de la richesse nationale. Si cette richesse augmente, grâce au  travail des ‘travailleurs marchands’, cela bénéficiera à l’ensemble de la collectivité. Si elle diminue,  chacun sera, et se sentira aussi, concerné.

La deuxième partie du PIB (78% si l’on retient nos hypothèses chiffrées) correspondra au "mérite  économique" de chacun, mérite estimé suivant les règles habituelles, il ne s'agit pas ici de changer  de mode de production en décrétant "supprimons les patrons et mort aux entrepreneurs".
C’est le  ‘Revenu gagné’ cher au ‘Prix Nobel’ d’économie, Maurice Allais, par opposition au ‘revenus  non gagnés’ des capitalistes et autres ‘prêteurs sur gages’, tels nos ‘chers banquiers’.

Cette division en deux parties semble simple, compréhensible, et a pour but de montrer à la fois la  solidarité de la collectivité envers chaque individu: l'octroi du RMD, mais aussi l'importance  économique du travail pour cette même collectivité, puisque si la production collective diminue, le  RMD individuel, adulte comme enfant, diminue d'autant.

Le partage des surplus.
Il ne s'agit donc nullement de demander aux entreprises de fonctionner  différemment, mais 'simplement' de faire précéder la production d'une indication précise d'une  partie de la répartition: il ne s'agit plus d'une division entre capital et travail, mais d'une division  entre solidarités (à hauteur d’environ 22% du PIB), capital et travail.

Pain et dignité pour tous : Si j'ai fait référence dans d’autres articles à la CGT et à son slogan ‘du  pain et du travail pour tous’ (en l’amendant quelque peu ‘du pain et un toit pour tous, et des  activités, marchandes ou non marchandes, pour chacun’), ce n'est pas par démagogie, mais parce qu'il  me semblait qu'un de leurs slogans – au cours de la journée du 29 janvier 2009 - montrait un malaise  profond que l'on ne pouvait ignorer, et que la réponde du RMD pouvait avoir un sens dans un tel  contexte.

Relancer la consommation, populaire ou non, semble en effet être une priorité absolue, surtout lorsque l'on  constate l'importance des capacités de production inutilisées.

En conclusion, le Revenu Minimum de Dignité apparaît non seulement indispensable sur le  plan social et économique, mais comme tout à fait envisageable au niveau financier et, enfin, les bénéficiaires et  ceux qui y perdraient peuvent être relativement facilement identifiés. Sur le plan politique, il apporterait aussi un véritable changement, dont l’effet d’annonce en période électorale peut donc s’avérer considérable.
Pour financer le RMD, on peut imaginer d’utiliser une monnaie ‘classique’, mais affectée spécialement au RMD  Certains experts de la question monétaire ont relancé ces dernières années des réflexions sur les avantages d'utiliser une monnaie 'non thésaurisable' – parfois  baptisée 'accélérée' ou 'fondante' (suivant le terme utilisé par les disciples de S. Gesell). Il est vrai que, pour le moment, la monnaie accélérée de S. Gesell, lorsqu'elle a été appliquée, n’a jamais réellement concerné plus de quelques milliers d’individus.
Or nous parlons ici  de dizaines de millions de personnes concernées, c'est une toute autre échelle, et un tel changement d'habitude vis à vis de la monnaie – qui n’aurait plus aucune capacité de « réserve financière » serait sûrement délicat à mettre en œuvre rapidement.

Au contraire, la monnaie 'alternative' dont il va s'agir maintenant est beaucoup plus classique, puisqu'elle peut s'apparenter aux bons d'achat que tout un chacun connaît.  L'idée est la suivante. Cette monnaie, appelons la ‘monnaie RMD’, ou ECU-SOL (pour European Currency Unit  Solidaire, si l'on veut), aurait toutes les propriétés de la monnaie, en reprenant la définition suivante:
« moyen de paiement possédé par X et reconnu comme tel par la communauté à laquelle appartient  X »  On pourrait, de plus, définir les 5 points essentiels pour garantir le bon fonctionnement d'une telle  monnaie ECU-SOL:
a) Qui émet (Les collectivités territoriales, missionnées par l'Etat)
b) Combien on émet (chaque mois, 10 milliards d'euros, ou plutôt d'ECU-SOL, à parité avec l'euro  , ou une nouvelle monnaie nationale, pour faciliter les calculs)
c) Comment on émet (par le biais d'une carte de type 'VITAL' ou 'Moneo', lisible par tout terminal  bancaire et toute caisse d'hyper marché, et tout lecteur de carte de commerçant)
d) Pour quoi, pour qui: pour financer le RMD, pour chaque membre de la communauté
e) Qui contrôle: la collectivité, lors de l'émission et le 'renflouement' de chaque carte, au début de  chaque mois.

L'usage de ces cartes ECU-SOL reste à préciser, mais l'on peut fort bien supposer que l'on demande  aux commerçants, aux grossistes, et aux industriels d'apposer un code barre particulier sur chacun de leur produit, précisant l'origine géographique de chaque produit, son contenu 'éthique', son  contenu 'écologique', l'ECU-SOL étant soit prioritaire pour financer ce type de produit (avec une  remise particulière pour le couple monnaie ECU-SOL produit labellisé 'ECU-SOL'), soit même  unique pour cela.
R. Autres usages possibles d’une monnaie complémentaire..
L’écologie et le développement durable sont, et deviendront toujours davantage, des thèmes d’une importance cruciale, vu les ressources limitées qu’une population mondiale croissante va devoir gérer au mieux.
Spécialiser certains moyens de financement pour venir accompagner cette prise de conscience écologique peut donc être un processus à encourager.

Dans le domaine des transports individuels, on peut ainsi imaginer financer partiellement  l'achat d'une automobile 'écologique', par exemple tout électrique, avec une monnaie « spécialisée ». Il n'y aurait aucune  prime pour les achats en monnaie normale (euro français ou euro normal), mais, par exemple, une remise de 30% si le  véhicule était payé uniquement en monnaie ECU-SOL.
Même idée pour des travaux d'économie  d'énergie, au lieu de faire intervenir des crédits d'impôts toujours délicats à gérer.

Bien entendu, est-il besoin de le rappeler, de telles mesures ‘nationales’ se heurteraient au veto de l’U.E., du moins dans son état actuel.


 

Commentaires

  1. Je milite moi aussi depuis près de 50 ans pour ce que j'ai nommé le REMEDE : Revenu Economique Minimum d'Existence et de Dignité Émancipateur. Mon site : www.lepetitlivrevert.fr
    Pour ma part, ce Revenu de Base inconditionnel, Individuel et Inalienable (RB3I) doit être affecté à TOUS les citoyens en situation régulière sur le territoire.
    Il ne doit en aucun cas être exclusif. (remember Catherine Megret à Vitolles).
    C'est en ce sens que je pense ce RB3I est humaniste. Il justifie l'art 25 de la déclaration des Droits de l'Homme.

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  2. Bonjour, je viens de lire aussi attentivement que possible votre billet, séduisant et passionnant ! J'aime l'idée du partage, de l'équité et de la solidarité que ce concept laisse entendre. Je viens du commerce (employé commercial), et je constate que la pauvreté et la précarité sont une bénédiction quand il faut asservir comme nous le sommes de plus en plus. Ceux-là même qui pourraient décider que les choses changent n'y ont encore aucun intérêt ! Le pouvoir pour un esclave de rediscuter sa condition, la fatalité de son sort, lui donner les moyens de dire non quand on l'oppresse un peu trop, me semble, moi qui suis à la base de la chaîne alimentaire économique, une trop belle idée tant que les pouvoirs ne seront pas menacés dans leur existence. Si cette belle idée doit être mise en place, je suppose qu'elle le sera par ceux-là même qui tiennent les rennes et qu'ils la rédigeront et sauront, à n'en pas douter,la mettre à leur service avant de nous la présenter.
    Du reste, il est question d'une allocation (RMD) mensuelle issue d'une monnaie qui y serait consacrée (je résume bien ?) et donc non capitalisable. Dans une certaine mesure elle se substituerait à l'économie et la monnaie déjà en place (partiellement et de manière complémentaire si j'ai compris) j'en conclue que je pourrais facilement capitaliser sur l'argent "dette" et consommer essentiellement grâce à mon RMD. Cela n'entrerait-il pas en conflit avec beaucoup de ces organismes qui profitent de nos crédits en rendant l'argent dette moins disponible puisque thésaurisé ?. J'imagine alors que l'ECU-SOL prendrait vite de l'intérêt auprès des gens de la base.
    Je suis un homme d'idée, j'aime celle que vous nous présentez, SVP dites-moi que mon raisonnement est à côté.
    Je participerai à la propagation de votre concept en en parlant autour de moi.
    @ bientôt !
    M'rik ;-)

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