Quelques vues disparates sur la monnaie-argent
Quelques interrogations et propositions sur le rôle de la
monnaie-argent.
Tribune
libre de Bruno Lemaire
Au moment où en Islande, en Suisse, Vote pour oter-aux-banques-leur-pouvoir-de-creation-monetaire
voire au Royaume-Uni, on parle de réforme monétaire d’envergure, il est
étonnant de constater l’incohérence de la plupart des économistes sur le sujet.
Pour les économistes ‘orthodoxes’
qui conseillent ou souhaitent conseiller nos dirigeants, la création de monnaie
est exogène, c’est-à-dire entreprise à l’extérieur de la sphère économique, et
a d’ailleurs peu d’impact, d’après leur propre théorie, sur l’économie
réelle : c’est la thèse des
‘monétaristes’, en particulier celle du prix Nobel Friedman. Ce qui est
étrange, c’est que d’un point de vue libéral, la monnaie devrait être endogène
(elle l’est d’ailleurs pratiquement, même si c’est nié par ces mêmes
économistes dits « néo-classiques », qui se cramponnent à la fausse
théorie du multiplicateur monétaire). ‘Endogène’ au sens où la demande de
monnaie est faite par les agents économiques, et que l’offre de monnaie est
produite par les banques « de second rang », et non par la banque
centrale.
Pour cette vision du monde,
ultra-libérale, la seule façon de réconcilier théorie et pratique, et d’avoir
donc un peu de cohérence dans leurs recommandations, serait de permettre aux
banques privées d’accorder autant de crédits – l’argent-dette – qu’elles le
jugent profitable, et de n’avoir recours à la banque centrale que pour les
échanges internationaux, en tant que super agent de change. Et si une banque
privée a trop prêté, elle ferait faillite, comme toute entreprise insolvable,
au lieu de compter sur la générosité de la banque centrale ou du contribuable
pour la sauver. Ce n’est manifestement pas le cas, puisque la banque centrale
est considérée comme le prêteur de dernier recours, ou secours, même si la
nouvelle loi européenne, entrée en vigueur au 1/01/2016, va permettre aux
banques privées de se refaire une santé sur les comptes d’épargnant dépassant
un certain montant.
Une autre thèse, beaucoup moins
libérale et qui n’est soutenue que par un petit nombre d’économistes
hétérodoxes – au nombre desquels il faut citer le regretté Maurice Allais consiste
à partir des faits. 80% de la monnaie-argent, au moins, est créé par les
banques de second rang, et la banque centrale ne fait que suivre. Cette émission d’argent est trop
abondante en période de boom, trop restreinte en cas de crise, et
l’injection de monnaie de la banque centrale, telle que les QE (Quantitative
Easing) actuels n’ont pas beaucoup d’effet bénéfique sur l’économie réelle.
D’où leur rejet complet du pseudo multiplicateur monétaire, pourtant enseigné à
tous les apprentis économistes et autres prétendus experts.
La seule façon pour une banque
centrale d’être efficace serait d’interdire aux banques de second rang de créer de la monnaie,
ce qui, dit autrement, consisterait à avoir un multiplicateur monétaire égal à
1 (au lieu qu’il varie entre 3 et 8, au gré des banques commerciales et de
leurs intérêts particuliers). Le seul argent prêté à l’économie réelle, en
dehors de l’épargne, proviendrait donc de la banque centrale, qui travaillerait
donc uniquement pour le bien commun, et non pour des intérêts privés.
Ce serait à la représentation de la
nation de décider chaque année du montant nouveau de monnaie qui pourrait être
injecté dans l’économie réelle, par exemple de 2% de la monnaie actuellement
disponible si l’on veut obtenir une croissance nominale de 2%
Une telle proposition figure en filigrane
dans le programme économique du Front National, même si la « monnaie
pleine » suggérée par nos amis suisses n’est pas encore totalement
revendiquée. Elle a en tout cas le mérite d’une grande cohérence, et elle
permettrait de résoudre le problème crucial qui se présente à nous. Comment
mettre fin à cette course en avant, dans laquelle il faut toujours plus de dettes pour rester sur place,
voire pour reculer.
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