Une dette publique en voie de francisation: et alors?



La dette publique de la France se ‘francise’ depuis 6 ans, est-ce une bonne chose ?
Par Bruno Lemaire, économiste, club Idées Nation

Un article récent du Figaro nous annonçait que la part des dettes publiques détenues par des « non résidents », des « étrangers », était en forte diminution depuis 6 ans, puisque la part « étrangère » de cette dette était passée de 70% fin 2010 à 56% fin 2016 – contre 59% fin 2015. Nous sommes évidemment encore très loin du niveau de 1999 (avant l’euro) où la part étrangère de cette dette était inférieure à 29% (pour un montant global 4 ou 5 fois inférieur)

Est-ce important ?
Remarquons tout d’abord que fin décembre 2016, François Fillon était largement en tête de tous les sondages, et qu’il est donc difficile de soutenir que c’est la possible, sinon la probable, élection de Marine Le Pen qui ferait peur aux investisseurs étrangers. A la limite l’élection du seul candidat, J.L. Mélenchon, qui déclare ne pas vouloir rembourser les dettes françaises pourrait avoir eu cet impact, mais, à l’époque, le ci-devant trotskyste et actuel insoumis ne dépassait pas 10% des intentions de vote.
Cette explication purement politique ne tient donc pas.

Une autre explication semble s’imposer : l’attractivité internationale des dettes souveraines françaises n’est plus ce qu’elle était depuis 6 ans, pour au moins deux raisons, toutes deux liées au contexte international.

Depuis fin 2011, la Banque Centrale Européenne inonde de liquidités les banques commerciales européennes, en particulier depuis 2015, ce qui a entraîné une forte baisse à la fois de l’euro et des taux d’intérêt européens, très inférieurs au taux de la Réserve Fédérale US.
Les spéculateurs internationaux - n’oublions pas en effet que nous parlons ici de placements financiers, qui ont peu à voir avec de véritables investissements - vont là où leur argent rapporte le plus, et préfèrent donc prêter dans des devises dont ils peuvent prévoir l’évolution positive des cours. Ils préfèrent aussi que les taux d’intérêt soient les plus élevés possible, tout en tenant compte du risque éventuel encouru.

A ce sujet, le risque pris en prêtant à la France, surtout pendant le quinquennat désastreux de François Hollande, se traduit par deux phénomènes, moins de crédits accordés à l’état français, et à un taux légèrement plus élevé que pour les prêts allemands.

Alors, est-ce une bonne chose que cette fuite, légère mais continue, des capitaux étrangers ?
Comme nos discussions sur la « lex monetae » l’ont montré, le fait que la dette publique soit ou non détenue par des étrangers n’a pas beaucoup d’impact sur les remboursements à effectuer, non plus que sur le montant de la dette elle-même.

Par ailleurs, le fait que des spéculateurs se détournent du financement de notre dette pour aller vers d’autres cieux qui leur paraîtraient plus cléments n’est sûrement pas une mauvaise chose. Après tout le Japon ne semble pas avoir souffert particulièrement du fait que sa dette, certes colossale, soit quasi uniquement « japonaise ».

De plus, si Marine Le Pen arrive au pouvoir dans quelques semaines – et ce serait aussi le cas si d’autres « souverainistes » devenaient présidents -  le fait de pouvoir emprunter directement à la Banque de France, redevenue indépendante de la BCE, pour pouvoir rembourser progressivement cette dette montre aussi qu’un financement purement national, purement français, serait possible et serait une excellente chose.

Quant au financement industriel, le seul réellement important, ce sera à l’économie française de montrer qu’elle peut se redévelopper, après 30 ans de chute presque continue. Et, dans ce contexte, il ne manquera sûrement pas d’investisseurs étrangers pour nous aider à financer des investissements réels, et non plus essentiellement spéculatifs.

Remarque rajoutée ce jour (17/04/2019) à 17h30, après lecture d'un entrefilet du blog de Jovanovic.
Quand on voit ce que pèse le fonds d'investissement US de Larry Fink, de BlackRock , et ses 5200 milliards de dollars (plus de 2) fois le PIB français, il faut peut être espérer ou se réjouir que certains financements spéculatifs se détournent des dettes publiques françaises, surtout si c'est avec de la "monnaie de singe" comme certains dénomment le dollar américain, qui reste pourtant encore tout puissant.

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