Pour l'instauration d'un Revenu Minimum de Dignité à l'échelle nationale
De la
nécessité sociale et économique de l’instauration d’une allocation universelle
nationale, ou Revenu Minimum de Dignité, ou Revenu d’Appartenance Communautaire
Nationale.
Bruno Lemaire, club Idées Nation.
1) Plutôt que de reprendre la synthèse
mise en 2011 sur mon blog personnel, je vais ici préciser les points qui me
paraissent les plus importants en vue d’une éventuelle application au cours du
prochain quinquennat ou d’une prochaine législature.
2) Par ailleurs, pour parler de ce
concept, j’utiliserais, pour simplifier, l’acronyme R.M.D.
(Revenu
Minimum de Dignité) quelle que soit la dénomination qui en sera finalement
retenue lors de l’instauration de cette « allocation universelle
nationale ».
3) Enfin, je ne chercherais nullement à
déterminer ici la véritable paternité de ce concept, qui remonte sans doute
encore plus loin que ce qu’en ont dit des "créditistes" ou des "distributistes"
du siècle passé, comme Douglas, Dubouin ou Louis Even. Qu’il suffise ici de
dire que depuis le début du XXI ème siècle, plusieurs hommes ou femmes
politiques – l’un des derniers en date étant D. de Villepin avec son Revenu
Citoyen lors de sa pré-campagne présidentielle avortée de 2011 - ont émis des
idées ou des propositions allant dans ce sens, avec cependant de très
nombreuses variantes.
Le principe du R.M.D. est simple, et
part du fait – peu discutable - que toute collectivité est constituée
d'individus, hommes ou femmes, aux
talents et aux compétences diverses, mais qui partagent tous le même statut,
celui d'appartenance à une même
communauté: d'où le principe de
non-exclusion. Tout membre de cette
collectivité doit être reconnu en tant que tel, et avoir donc 'droit' à
cette reconnaissance.
Ce
droit, dans une économie essentiellement
marchande dans laquelle le travail est de plus en plus spécialisé, et où les individus sont de plus en plus
interdépendants, ne peut se concrétiser que par un revenu 'monétaire', nous y reviendrons.
Nous
examinerons aussi si ce 'droit' doit être associé à des devoirs.
Il
s’agit de relier ce RMD – ou RAC pour ceux qui préfèrent insister sur
l'appartenance communautaire – à la
richesse collective de la communauté, ou héritage collectif toujours en devenir. Le niveau du RMD ne peut donc être
fixe, même si la quote-part, la proportion du revenu global de la communauté
considérée, l'est : ceci me paraît être
un point essentiel, que la plupart, sinon la totalité, des autres ersatz
d’allocation universelle ne mentionnent aucunement. De fait, une fois cette quote-part
fixée, si la richesse collective
augmente, le RMD augmentera, si la richesse collective diminue, il en sera de
même pour le RMD.
Ainsi,
dans le cadre de la distribution
concrète des richesses collectives (dont la production a eu lieu dans un
contexte économique donné, en grande partie libéral et ‘marchand’) notre
proposition consiste à consacrer toujours la
même part – indépendamment de tout 'mérite marchand' – aux revenus
correspondant à cette appartenance
communautaire.
Le
fait que le niveau du RMD soit lié
automatiquement à l’évolution de la richesse collective, en plus comme en
moins, est fondamental comme je l’ai
déjà écrit. De fait, cette automaticité devrait contribuer de façon importante
au renforcement du sentiment d'appartenance à la collectivité, et sera donc un
pilier de cette solidarité collective. Il n'y a pas de 'passagers clandestins', tout le monde est
dans le même bateau.
Si,
pour une raison ou une autre, la
quantité de travail diminue – à productivité constante – le revenu
diminuera pour tous, au moins pour la
part RMD. Pour mes calculs, je suis parti d’un PIB 2013 de 2060 milliards
d’euros, et d’une population de 65,7 millions d’habitants.
Je
propose ainsi que le quart de la richesse nationale de la France, ou plus
exactement le ¼ du PIB moyen, soit
environ 650 € par mois – en euros « 2013 » - soit affecté à chaque adulte de notre
communauté. Chaque mois, 650 euros, nets
d'impôt, seront versés sur le compte de 65 millions de Français ! Ce montant
est légèrement supérieur à un demi SMIC.
Le
Revenu Minimum de Dignité proposé ici est un Revenu "Universel" que
toucherait chacun de nos concitoyens, et qui se substituerait à la
plupart des revenus sociaux, en
particulier le RMI et le RSA.
Même
si le choix du pourcentage (le ¼ du PIB moyen pour chaque adulte) peut
apparaitre arbitraire – cela peut faire
partie d'une discussion collective, avant sa mise en application – ce chiffre a
été retenu pour trois raisons principales:
a) le niveau, une fois globalisé, est
'presque' suffisant pour une famille 'type', deux parents et deux enfants (de 7
et 11 ans), même si aucun des parents ne
travaille, puisque le RMD familial serait ainsi de 1950 euros,
b) ce niveau n'est pas suffisamment
dissuasif pour qu'une trop grande proportion de personnes ne décide de ne plus travailler (auquel cas,
bien sûr, le niveau collectif, et donc le niveau individuel, diminuerait d'autant).
c) un niveau trop bas – même si son
financement en aurait été facilité – n'aurait pas permis que la substitution du
RMD à la plupart des allocations ou prestations sociales soit intéressante pour
les récipiendaires. De plus, son côté 'solidaire' ou 'fraternel' aurait été
insuffisant. Il s'agit de transformer le sentiment d'assistance que
peuvent ressentir certains 'bénéficiaires' des allocations 'classiques' en sentiment d'appartenance
et de reconnaissance communautaire.
L'intérêt
d'une telle mesure est évident pour tous ceux qui vivent en dessous du seuil de
pauvreté. Les 650 euros mensuels que je
propose (deux adultes, qui toucheraient ainsi mensuellement 1300 euros,
pourraient "s'offrir" la
maison à 15 euros journaliers envisagés en 2009 par C. Boutin) ne sont certes
pas la panacée.
Mais
ce chiffre paraît à la fois possible (il
correspond, rappelons-le, au quart du PIB moyen Français de 2013) et suffisamment utile pour sortir la majorité
des exclus de leur misère.
Nous
ne vivons plus dans un monde clos. Mais, pour le moment, la notion de
citoyenneté reste encore vivace, les débats récurrents sur le concept de
nationalité française, de droit du sol et de droit du sang sont là pour l’illustrer, au moins au
niveau de notre hexagone national.
Le
Revenu Minimum de Dignité – ou Revenu
d'Appartenance Communautaire Nationale - que je propose pourrait
(devrait?) s’appliquer à tout être
humain, mais il me semble qu’il faudrait initialement considérer trois catégories différentes de personnes.
Il
ne s’agit pas de hiérarchiser ces catégories, mais de déterminer concrètement les façons
d’instaurer efficacement ce Revenu Minimum de Dignité.
Je
propose donc de différencier les nationaux français, les nationaux européens,
et tous les autres, mais en utilisant la
même règle d’attribution.
Chaque
individu, quel que soit son âge, son sexe, son ethnie, sa religion, pourrait
disposer – à très court terme – de
l’équivalent mensuel, net d’impôts, du ¼ du PIB unitaire de son propre pays. Cela
correspondrait à 650€ net par mois pour un Français, un peu plus pour un
allemand, beaucoup moins, hélas, pour un ougandais.
Le
principe de solidarité est le même, mais dépend des possibilités de la communauté à laquelle on
appartient.
Pour
un européen résidant en France, on pourrait suggérer qu’il y ait une
participation des Etats plus riches pour que le revenu minimum de dignité
distribué par la collectivité française soit augmenté d’une participation de l’état européen concerné, à
charge de réciprocité, évidemment.
La
France ne peut, à elle seule, assurer un Revenu Minimum de Dignité à l’ensemble
du monde.
En revanche, elle peut le proposer au monde
entier, et a les moyens de le promulguer pour ses 65 millions de ressortissants. Tout ceci
demanderait sûrement à être aménagé, amendé, modifié, mais voilà la première grande piste d’action, très
concrète, et qui ne demande "que" de la bonne volonté pour être rapidement appliqué.
De
nombreuses allocations aux personnes, et plus encore de subventions aux
associations, aux organismes, aux
collectivités, aux entreprises, ont pour objectif de venir en aide, directe
ou indirecte, à une multitude de cas
particuliers. L’énergie consommée à cet effet est considérable, sans que l’efficacité de l’ensemble de ces
mesures soit réellement démontrée.
L’Etat s’occupe déjà, directement ou indirectement, de prélever plus de
50% de la richesse nationale, tout en redistribuant une bonne part selon des
critères fluctuants, souvent opaques et parfois, hélas, soumis à des
considérations électoralistes.
L’instauration
du RMD ne concerne en fait que moins de la moitié de ces
« prélèvements ». Il s’agit, en effet, de demander à la puissance
publique de redistribuer efficacement de l’ordre de 22 % du revenu
national, ou plus exactement du PIB. Si
l'ensemble de la population est concerné, cela signifie que pour financer le RMD, et si on utilise, pour
simplifier, un impôt proportionnel (encore appelé « flat tax ») tout
autre revenu devra être imposé à hauteur de 30 % (ce serait 33% si les enfants de moins de 18 ans recevaient le même
RMD que les adultes, 30% si un enfant reçoit en
moyenne, en fonction de son âge, un demi RMD adulte, d’où aussi le fait
que le prélèvement correspond à 22 % du PIB, pas 25 %). Bien entendu,
d’autres façons de financer le RMD pourront être envisagées, comme nous le
reverrons.
Ce
RMD sera distribué ‘universellement’ – au moins à l’intérieur d’une communauté
donnée, ici dans le domaine de la communauté française. Il ne sera donc plus
nécessaire de mobiliser une armée d’experts et de conseillers fiscaux pour
déterminer si telle personne, compte
tenu de N paramètres, a droit à telle ou telle allocation. Chacun y aura droit de sa naissance à sa mort, en tant
qu’être humain appartenant à une communauté nationale bien déterminée.
Le
RMD 'enfant' devrait être différent du RMD adulte.
Ainsi
le RMD 'enfant' serait en moyenne la moitié de celui d'un adulte : à 5 ans, ce
serait les 5/18 du RMD adulte, à 17 ans,
les 17/18 du RMD adulte, la majorité étant à 18 ans en France. Pour un couple qui aurait deux enfants de 7 et 11
ans, le RMD familial, aux données 2013, serait proche de 1950 euros, nets d'impôts. Pour une mère seule, avec deux
enfants de 8 et 10 ans, le RMD total serait de l’ordre de 1300 euros (en partant toujours d’un PIB national égal à
2060 milliards d’euros, et une population concernée de 65,7 millions).
Les
moins de 18 ans représentant 20% de la population, cela signifie que le financement nécessaire serait de 30% d'impôts
(soit un besoin de financement mensuel de 31 milliards d’euros, financés pour
plus de moitié par la disparition de nombreuses prestations sociales, dont le
RMI, le RSA, les allocations familiales
et les allocations au logement).
Certains
pourront paraître désavantagés, en particulier ceux qui cumulent déjà diverses
allocations sociales. L’allocataire du
RSA, qui touchait mensuellement 493 euros fin 2013, s'il touche par ailleurs
160 euros d'autres allocations, pourrait
sembler y perdre. Mais un couple d’allocataires, sans enfant, ne touche
mensuellement que 725 euros, alors qu’avec le RMD il toucherait 1300 euros – et
ses éventuels autres allocations ne couvriraient sûrement pas la différence.
De plus, le ‘RSAiste’ ou l’allocataire
ASSEDIC de longue durée ne sera plus dissuadé de rechercher un travail qui lui plairait, mais qui lui ferait
perdre une partie de ses allocations. Ce seul fait risque de changer
totalement la donne du chômage, et
rendra caduque la loi sur le RSA.
D'autres
gagnants seraient les personnes âgées. Seules, elles y perdraient quelques
euros par rapport au minimum vieillesse, mais en couple, elles bénéficieraient
de plus de cent euros supplémentaires par mois.
L’instauration
de ce RMD peut être totalement accomplie en trois ans, donc largement au cours
d’une même législature. La première année, seraient concernés en priorité tous les individus sans
travail qui, s’ils sont seuls, perçoivent moins que le RMD, ou, s’ils sont en
couple, perçoivent moins de 2 fois le RMD (même règle pour les familles, en
tenant compte du nombre de personnes à charge). Eradiquer la misère des sans-emplois en un an, ceci est possible. En moins de trois ans, en étendant le RMD à l’ensemble
de la population, la misère la plus sordide
devrait être complètement éradiquée de notre pays.
Certains
peuvent trouver choquant qu'un Rockfeller ou une Bettencourt puissent prétendre
au même RMD qu'un SDF, un ‘trader’ qu’un ‘travailleur pauvre’, un professeur
d’université qu’un SDF.
Il
nous semble pourtant essentiel que ce RMD soit attribué à tous, sans aucune
autre considération, un peu comme pour la blouse grise "standard" de
nos écoliers de 1900.
Sans
cette universalité, ce Revenu, quel que soit le nom que l’on retiendra pour
lui, qu'on le qualifie de Dignité ou d'Appartenance Communautaire, ne pourrait
apparaître que comme une assistance déguisée, ce qu'il n'est pas et ne peut
être. Lorsque l'on accueille chez soi
son père ou sa mère vieillissant, ou son frère ou son cousin, ce n'est pas de
l'assistance, c'est du simple respect de la personne humaine, c'est le simple partage d'un héritage et d'un patrimoine communs. Il doit en être de
même pour tout 'étranger' à notre famille proche, dès lors qu’il est membre de
notre communauté nationale, en attendant une extension éventuelle au-delà de
nos frontières.
Ne
nous trompons pas de combat. Le droit à la dignité ne signifie pas
nécessairement que le travail de chacun
ait la même utilité économique. Un rabbin, un iman, un prêtre, un travailleur social, un bénévole des Restos du cœur, une
'mamy' au coin du feu radotant parfois, mais entourée de ses petits-enfants, ont une énorme utilité
sociale, leur utilité économique est plus discutable, surtout à l'aune d'un mérite 'marchand'. On
peut aussi discuter sur le rôle
"redistributif" du travail – même si c’est le travail, in fine,
qui crée la richesse à redistribuer.
Mais
ce type de débat, certes important, ne doit pas faire oublier l'essentiel: tout
individu, quel que soit son rôle purement "économique" a un droit
inaliénable à sa dignité: sa seule existence fait qu'il appartient de plein
droit à notre communauté – en dehors du cas exceptionnel où il rejetterait
de pleine conscience cette
appartenance. L'instauration universelle
du RMD peut contribuer à cette reconnaissance de la dignité intrinsèque de chaque individu. Nul ne se sentira
"dévalorisé", ou "humilié", du fait de percevoir ce RMD,
puisque chacun y aura droit.
Au-delà
de ce "minimum", à chacun
selon sa contribution économique, quel que soit le mode de production envisagé,
plus ou moins libéral, c'est un tout autre débat.
Avant
d’aborder un point essentiel, celui des pistes envisagées pour le financement
de ce RMD, je voudrais aborder un point, qui peut poser problème : le RMD
doit-il exiger une contre-partie d’activité?
Il
nous semble que le RMD doit s’appliquer sans condition, ni contrainte, ni contre-partie.
Du seul fait de son existence, l’homme a sa dignité, et donc un revenu minimum
pour cela. C’est du moins notre conviction profonde, même si, à la lecture de
nombreux commentaires, publics ou privés, cette
position reste ouverte à d’éventuels contre-arguments ou à des aménagements de
cette position.
Des
travaux d’intérêt public pourraient ainsi être imaginés en contre-partie de ce
RMD, sous certaines conditions ou précisions. La plus importante de celles-ci
reste qu'il est fondamental de ne pas remettre en cause le sentiment d'appartenance communautaire,
sentiment qui doit être partagé par chaque membre.
De
fait, cette allocation étant 'universelle' – au moins dans le cadre de chaque
communauté concernée (France, Europe, ou
tout autre pays ou région) – elle doit concerner tout le monde,
'bourgeois' comme 'prolétaire', 'nanti'
comme 'exclu'.
Si
l'on demande à chacun, comme contre-partie, un travail d'intérêt collectif, par
exemple orienté vers le développement 'soutenable' ou l'aide aux personnes, ou
tout autre type d'activité, personne ne
doit en être dispensé.
Car
si l'on fait intervenir des critères de
dispense, on retombe dans les mêmes difficultés que celles qui prévalent
dans l'allocation de telle ou telle prestation sociale, alors qu’il est
indispensable de ne pas considérer le RMD comme une allocation sociale de plus.
Toute éventuelle contre-partie ne peut donc être qu'une contre-partie
volontaire. On peut, et on doit, proposer de tels chantiers ou de telles
activités, mais il ne faudrait pas les imposer.
C'est
évidemment à la collectivité de financer ce RMD, soit par l'impôt, soit par
tout autre moyen (mais ce financement reviendra, quel qu’en soit son habillage,
à une ponction sur la richesse nationale, soit déjà produite, soit à venir).
Le
RMD étant net d’impôt, tout autre revenu ‘gagné’, c'est-à-dire correspondant à
une activité marchande ou jugée telle, devra être taxé pour le financer.
Pour
des raisons de simplicité, on peut juger
préférable de choisir la méthode de la ‘flat taxe’, c'est-à-dire d’un impôt
strictement proportionnel. Quelques chiffres sont peut être nécessaires
ici.
Si
le RMD n’avait eu qu’un seul niveau, celui du RMD adulte (égal donc à 25% du
PIB moyen), il aurait fallu le financer
par un prélèvement de 33% sur chacun de ces ‘revenus gagnés’. Pour financer RMD adultes et RMD enfants, nous serons plus
proches d’un besoin global de
financement de 22% sur le PIB (soit 30% sur les revenus gagnés, en
défalquant le RMD). Dit autrement, la part retirée du gâteau national, compte
tenu de la démographie actuelle, serait
de 22%. Ces 22% laissent, évidemment 78% aux 'revenus gagnés'.
Ce
sont ces 78% qui devront financer cette
part (qui représente actuellement, si l'on part d'un PIB de 2060 milliards
d'euros, une assiette d'imposition voisine de 1607 milliards). En pourcentage
(immuable pour une démographie constante) cela
correspondrait à un taux d’imposition de 30%. En montant mensuel,
fonction du PIB actuel (2013), on
arriverait ainsi à un besoin de financement brut mensuel de l’ordre de 37
milliards d’euros. Sur ces 37 milliards
d’euros mensuels, en enlevant toutes les prestations sociales non liées à la branche
vieillesse de l’assurance maladie, on arriverait à un besoin de financement net
de l’ordre de 16,5 milliards d’euros
mensuels: voilà l'effort de solidarité 'net' demandé.
Ce
n’est pas rien, certes, mais il ne faut
pas non plus oublier le différentiel de ressources que nous pouvons
trouver dans la sortie de crise relancée
par le fait que le RMD participera grandement à la relance de la consommation,
et donc à celle de la production, point sur lequel je vais revenir ci-dessous.
Ce
sont donc ces 200 milliards annuels (soit 10 % du PIB) qu'il faudrait faire
financer par la collectivité, c'est à
dire par l'État, soit totalement par l’impôt, soit partiellement aussi par
création monétaire, et donc par anticipation sur la consommation future, et donc sur la production future.
Je
rappelle que, après la période transitoire, et si on ne retient que la solution
‘impôts’, l'ensemble des revenus (‘gagnés’) devrait être imposé à 30% pour financer
ce RMD, net d'impôts lui-même.
Une
question que l'on peut se poser, devant le côté apparemment 'magique' (un
commentateur parle du saint graal,
l'autre d'une panacée) du RMD est la suivante: Si l'on voit assez bien qui
seront les bénéficiaires de ce RMD (650 euros mensuels pour chaque adulte, qu'il soit 'riche' ou 'pauvre', en
activité ou non), on peut se demander quels en seront les 'victimes', en d'autres termes: QUI VA PAYER.
En
fait, d'après nos premières hypothèses de travail, le surcoût annuel de 200
milliards d'euros devrait correspondre
pour partie au fait que le PIB passerait d'une faible croissance de 1% à une
croissance positive de 5%, soit 4 points de PIB.
Ces
80 milliards de croissance (liés essentiellement à la relance de la consommation)
seraient donc à défalquer des 200
milliards annoncés plus haut. D’où un besoin net de 120 milliards, soit 10 milliards d’euros mensuels. On est bien loin des 700 à 800 milliards du
premier plan Paulson, des 800 milliards du plan Obama 2009, ou même du crédit
de 340 milliards accordé par l’état français aux banques en cette même période.
Rappelons
que le RMD peut être vu comme un crédit
accordé directement par l’État à l’ensemble des consommateurs, et que ce
crédit sera remboursé par les revenus
gagnés, c'est-à dire par les profits des entreprises et les revenus des travailleurs.
Cinq
pistes principales sont à explorer, même si elles sont difficiles à chiffrer.
a) Tout d'abord, les patrons peu
scrupuleux, ou patrons 'voyous' - le fameux 'homme aux écus' dépeint par Marx - qui auraient beaucoup plus de mal à exploiter une 'force
de travail' dont le RMD garantirait
un pouvoir de négociation supérieur.
b) Ensuite, les 'travailleurs au noir'
(parfois liés aux pratiques des patrons voyous) qui n'auraient plus d'excuses pour arrondir leurs fins de
mois, sous prétexte qu'une activité officielle leur ferait perdre une partie de leurs avantages sociaux,
comme le RMI ou e RSA. Le travail au
noir devra donc être pourchassé avec
la dernière énergie, et des sanctions sévères devront frapper entrepreneurs
et travailleurs concernés.
c) Les nombreux fonctionnaires
’contrôleurs’, dont la mission principale est de traiter et de contrôler les
multiples prestations sociales, pourront se voir attribuer des missions
beaucoup plus en rapport avec leurs
véritables compétences, et beaucoup plus productives et profitables pour la
collectivité.
d) De façon plus positive encore, le travail
mal payé et/ou sans valeur ajouté n'étant plus indispensable pour obtenir un
minimum vital, on peut penser que tout
travail sera un véritable travail,
productif, et non pas de l'assistance déguisée. Là encore, il est difficile
d'estimer les milliards que ceci fera
gagner à la collectivité, mais on peut penser que ce n'est pas négligeable.
e) Cinquième piste de financement possible
– sur laquelle nous reviendrons plus loin - la plus innovante peut être,
consisterait à financer tout ou partie de ces 120 milliards par une monnaie 'alternative', émise peut être
directement par les collectivités
locales (celles qui étaient chargées jusqu’à présent de distribuer le RMI),
pour financer par exemple des chantiers « d'économie sociétale »
Je
terminerai enfin cette note en évoquant les oppositions qui ne manqueront pas
de se faire voir à cette idée
d'allocation universelle, oppositions venant de ‘gauche’ comme de
‘droite’.
Ces
oppositions existeront sûrement. Pour essayer d’en désamorcer le plus grand
nombre, et pour tenter d’obtenir
l’adhésion du plus grand nombre, en particulier chez les politiques de tout
bord, les syndicalistes, les chefs
d’entreprise et diverses associations humanitaires, nous allons essayer
d’être aussi précis et simple – ce qui
ne veut pas dire simpliste – que possible, tout en restant cohérent, espérons-le,
avec les idées de base énoncées plus haut.
Le
financement du Revenu Minimum de Dignité correspond avons-nous dit à une
division en deux parties du PIB. La première partie (22% pour fixer les idées,
pour financer le RMD adulte, 25% du PIB moyen, et le RMD enfant, 12,5% du PIB moyen), ira
indistinctement à chacun.
Mais
il est essentiel que le RMD ne corresponde
pas à un montant fixe - évalué à 640 euros en 2013 - mais bien à un pourcentage du PIB, c'est-à-dire de la
richesse nationale. Si cette richesse augmente, grâce au travail des ‘travailleurs marchands’, cela
bénéficiera à l’ensemble de la collectivité. Si elle diminue, chacun sera, et se sentira aussi, concerné.
La
deuxième partie du PIB (78% si l’on retient nos hypothèses chiffrées)
correspondra au "mérite économique" de chacun, mérite estimé
suivant les règles habituelles, il ne s'agit pas ici de changer de mode de production en décrétant
"supprimons les patrons et mort aux entrepreneurs".
C’est
le ‘Revenu gagné’ cher au ‘Prix Nobel’
d’économie, Maurice Allais, par opposition au ‘revenus non gagnés’ des capitalistes et autres
‘prêteurs sur gages’, tels nos ‘chers banquiers’.
Cette
division en deux parties semble simple, compréhensible, et a pour but de
montrer à la fois la solidarité de la collectivité envers
chaque individu: l'octroi du RMD, mais aussi l'importance économique du
travail pour cette même collectivité, puisque si la production collective
diminue, le RMD individuel, adulte comme
enfant, diminue d'autant.
Le partage des surplus.
Il
ne s'agit donc nullement de demander aux entreprises de fonctionner différemment, mais 'simplement' de faire
précéder la production d'une indication précise d'une partie de la répartition: il ne s'agit plus
d'une division entre capital et travail, mais d'une division entre solidarités (à hauteur d’environ 22% du
PIB), capital et travail.
Pain
et dignité pour tous : Si j'ai fait référence dans d’autres articles à la CGT
et à son slogan ‘du pain et du travail
pour tous’ (en l’amendant quelque peu ‘du
pain et un toit pour tous, et des
activités, marchandes ou non marchandes, pour chacun’), ce n'est pas
par démagogie, mais parce qu'il me
semblait qu'un de leurs slogans – au cours de la journée du 29 janvier 2009 -
montrait un malaise profond que l'on ne
pouvait ignorer, et que la réponde du RMD pouvait avoir un sens dans un
tel contexte.
Relancer
la consommation, populaire ou non, semble en effet être une priorité absolue,
surtout lorsque l'on constate
l'importance des capacités de production inutilisées.
En
conclusion, le Revenu Minimum de Dignité apparaît non seulement indispensable
sur le plan social et économique, mais comme
tout à fait envisageable au niveau financier et, enfin, les bénéficiaires
et ceux qui y perdraient peuvent être
relativement facilement identifiés. Sur le plan politique, il apporterait aussi
un véritable changement, dont l’effet d’annonce en période électorale peut donc
s’avérer considérable.
Pour
financer le RMD, on peut imaginer d’utiliser une monnaie ‘classique’, mais
affectée spécialement au RMD Certains
experts de la question monétaire ont relancé ces dernières années des
réflexions sur les avantages d'utiliser une monnaie 'non thésaurisable' –
parfois baptisée 'accélérée' ou
'fondante' (suivant le terme utilisé par les disciples de S. Gesell). Il est
vrai que, pour le moment, la monnaie accélérée de S. Gesell, lorsqu'elle a été
appliquée, n’a jamais réellement concerné plus de quelques milliers
d’individus.
Or
nous parlons ici de dizaines de millions
de personnes concernées, c'est une toute autre échelle, et un tel changement
d'habitude vis à vis de la monnaie – qui n’aurait plus aucune capacité de «
réserve financière » serait sûrement délicat à mettre en œuvre rapidement.
Au
contraire, la monnaie 'alternative' dont il va s'agir maintenant est beaucoup
plus classique, puisqu'elle peut s'apparenter aux bons d'achat que tout un
chacun connaît. L'idée est la suivante.
Cette monnaie, appelons la ‘monnaie RMD’, ou ECU-SOL (pour European Currency
Unit Solidaire, si l'on veut), aurait
toutes les propriétés de la monnaie, en reprenant la définition suivante:
« moyen de paiement possédé par X et reconnu
comme tel par la communauté à laquelle appartient X »
On pourrait, de plus, définir les 5 points essentiels pour garantir le
bon fonctionnement d'une telle monnaie
ECU-SOL:
a)
Qui émet (Les collectivités territoriales, missionnées par l'Etat)
b) Combien
on émet (chaque mois, 10 milliards d'euros, ou plutôt d'ECU-SOL, à parité avec
l'euro , ou une nouvelle monnaie
nationale, pour faciliter les calculs)
c) Comment
on émet (par le biais d'une carte de type 'VITAL' ou 'Moneo', lisible par tout
terminal bancaire et toute caisse
d'hyper marché, et tout lecteur de carte de commerçant)
d) Pour
quoi, pour qui: pour financer le RMD, pour chaque membre de la communauté
e)
Qui contrôle: la collectivité, lors de l'émission et le 'renflouement' de
chaque carte, au début de chaque mois.
L'usage
de ces cartes ECU-SOL reste à préciser, mais l'on peut fort bien supposer que
l'on demande aux commerçants, aux
grossistes, et aux industriels d'apposer un code barre particulier sur chacun
de leur produit, précisant l'origine géographique de chaque produit, son
contenu 'éthique', son contenu
'écologique', l'ECU-SOL étant soit prioritaire pour financer ce type de produit
(avec une remise particulière pour le
couple monnaie ECU-SOL produit labellisé 'ECU-SOL'), soit même unique pour cela.
R. Autres usages possibles d’une monnaie
complémentaire..
L’écologie
et le développement durable sont, et deviendront toujours davantage, des thèmes
d’une importance cruciale, vu les ressources limitées qu’une population
mondiale croissante va devoir gérer au mieux.
Spécialiser
certains moyens de financement pour venir accompagner cette prise de conscience
écologique peut donc être un processus à encourager.
Dans
le domaine des transports individuels, on peut ainsi imaginer financer partiellement
l'achat d'une automobile 'écologique', par
exemple tout électrique, avec une monnaie « spécialisée ». Il n'y
aurait aucune prime pour les achats en
monnaie normale (euro français ou euro normal), mais, par exemple, une remise
de 30% si le véhicule était payé
uniquement en monnaie ECU-SOL.
Même
idée pour des travaux d'économie
d'énergie, au lieu de faire intervenir des crédits d'impôts toujours
délicats à gérer.
Bien
entendu, est-il besoin de le rappeler, de telles mesures ‘nationales’ se
heurteraient au veto de l’U.E., du moins dans son état actuel.
Je milite moi aussi depuis près de 50 ans pour ce que j'ai nommé le REMEDE : Revenu Economique Minimum d'Existence et de Dignité Émancipateur. Mon site : www.lepetitlivrevert.fr
RépondreSupprimerPour ma part, ce Revenu de Base inconditionnel, Individuel et Inalienable (RB3I) doit être affecté à TOUS les citoyens en situation régulière sur le territoire.
Il ne doit en aucun cas être exclusif. (remember Catherine Megret à Vitolles).
C'est en ce sens que je pense ce RB3I est humaniste. Il justifie l'art 25 de la déclaration des Droits de l'Homme.
Bonjour, je viens de lire aussi attentivement que possible votre billet, séduisant et passionnant ! J'aime l'idée du partage, de l'équité et de la solidarité que ce concept laisse entendre. Je viens du commerce (employé commercial), et je constate que la pauvreté et la précarité sont une bénédiction quand il faut asservir comme nous le sommes de plus en plus. Ceux-là même qui pourraient décider que les choses changent n'y ont encore aucun intérêt ! Le pouvoir pour un esclave de rediscuter sa condition, la fatalité de son sort, lui donner les moyens de dire non quand on l'oppresse un peu trop, me semble, moi qui suis à la base de la chaîne alimentaire économique, une trop belle idée tant que les pouvoirs ne seront pas menacés dans leur existence. Si cette belle idée doit être mise en place, je suppose qu'elle le sera par ceux-là même qui tiennent les rennes et qu'ils la rédigeront et sauront, à n'en pas douter,la mettre à leur service avant de nous la présenter.
RépondreSupprimerDu reste, il est question d'une allocation (RMD) mensuelle issue d'une monnaie qui y serait consacrée (je résume bien ?) et donc non capitalisable. Dans une certaine mesure elle se substituerait à l'économie et la monnaie déjà en place (partiellement et de manière complémentaire si j'ai compris) j'en conclue que je pourrais facilement capitaliser sur l'argent "dette" et consommer essentiellement grâce à mon RMD. Cela n'entrerait-il pas en conflit avec beaucoup de ces organismes qui profitent de nos crédits en rendant l'argent dette moins disponible puisque thésaurisé ?. J'imagine alors que l'ECU-SOL prendrait vite de l'intérêt auprès des gens de la base.
Je suis un homme d'idée, j'aime celle que vous nous présentez, SVP dites-moi que mon raisonnement est à côté.
Je participerai à la propagation de votre concept en en parlant autour de moi.
@ bientôt !
M'rik ;-)